vendredi 20 avril 2018

VI - L'ORIGINE DE LA CIVILISATION OCCIDENTALE


VI - L'origine de la « civilisation » occidentale.

Je commencerai ce chapitre par une définition idéale inspirée par Rousseau. Une « civilisation » est de nom, si et seulement si, le contrat social se substitue à ce que la nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les humains, et que pouvant être inégaux en force et en intelligence, ils deviennent tous égaux par convention et de droit. Hélas, dans la réalité les lois étant faites par et pour l'oligarchie, l'état social n'est avantageux qu'aux « hommes de biens », c'est à dire aux possédants.
L'hybris grec, la démesure, est toujours à dénoncer, un état social sera dans la juste mesure, il partagera équitablement entre chacun de ses citoyens.
Nous sommes à la fin de la préhistoire, au paléolithique, après une succession de réchauffements/refroidissement climatique, entre -18000 et - 11500, un climat stable plus chaud et plus humide, appelé « atlantique », s’installe durablement au moyen orient. En Anatolie, entre le Tigre et l'Euphrate, la stabilité et la profusion des plantes et des animaux a permis aux humains de devenir plus nombreux. D'échanger, de se croiser et aussi de prier ensemble les Dieux.
Les eaux ont monté très rapidement, la mer Méditerranée a débordé dans la mer Noire et inondé les champs des premiers cultivateurs.
Une confirmation du mythe du Déluge ? Pas sûr, selon une autre hypothèse il aurait 100 000 ans, comme le conte du meurtre fratricide entre Caïn et d’Abel. Une preuve que l’oral se transmet mieux que l’écrit… Ça sera utile pour le souvenir de nos poubelles nucléaires.

Autour des temples comme Göbekli tepe, entre la Turquie et la Syrie, la sédentarisation s'est faite lentement. On pense qu’au début seuls les vieux, les malades, les femmes enceintes restaient près des silos ou des lieux de cultes. Puis, les tribus grossirent, les chefs puissants apparurent et ce fut le début d'une autre histoire.
Le changement de mentalité, d'habitude, s’opéra sur quelques générations : Des humains se mirent à commander des humains puis l’humanité se considéra au-dessus des animaux, au-dessus de la nature.

Dans le croissant fertile et en Egypte, les chefs « semi-nomades » devinrent de puissants oligarques, régnant sur un peuple nombreux et soumis. La peur de la mort et de la perte des richesses accumulées les poussa à se faire construire des tombeaux qualifiés, plus tard, de pharaoniques. Cette ostentation mortuaire des élites issue de la pulsion de mort s’est répandue sur toute la planète et a perduré à travers les siècles.

Puis tout s’enchaîna jusqu'à nos jours. La structure sociale stable et hiérarchisée d’une civilisation sédentaire la rendit imbattable. Les chasseurs-cueilleurs ne pouvaient que perdre leurs territoires en face d’une telle organisation. Des techniques déjà connues comme la céramique furent mises au service de ce nouvel art de vivre, plus sédentaire. Au néolithique, la société s'organisa au point de créer les premières villes de 8000 habitants, comme Çatal Höyük, en Turquie actuelle. C'était la plus grande ville de l'an -8000, elle dura 2000 ans, tout de même. La domestication intensive des plantes et des animaux multiplia les catastrophes. Çatal Höyük fut abandonnée à cause d’un environnement abîmé par l’humain.
La civilisation sumérienne sédentaire vivant dans le croissant fertile a aussi disparu à cause d'un désastre écologique : c'est aujourd'hui un désert d'Irak. L’incurie des élites, une mauvaise gestion des contraintes écologiques, souvent liée à un changement climatique, aurait entraîné l’extinction de nombreuses civilisations, Mayas, Égyptiennes, Rapanuis.

En plus de l’atteinte à l’environnement, les dégâts de la sédentarisation s’imposèrent aux corps.
Il y a 9000 ans nos ancêtres de « Aşıklı Höyük » en Turquie » n'étaient pas prêts à digérer les céréales et les premiers paysans ainsi nourris devinrent rachitiques par décalcification. En 5000 ans et quelques générations victimes nos gènes trouvèrent la parade pour assimiler le pain. L'utilisation de la fermentation avec le levain a permis à l'acide phytique de ne plus être décalcifiant et même de bénéficier à la santé.
James C. Scott estime dans son ouvrage « Homo domesticus » que la culture de céréales était imposée par l’état, en effet comme le blé arrive à maturité au même moment, contrairement aux légumineuses qui ont besoin de ramassages successifs, il était plus simple d’en mesurer la production et de les taxer en conséquence.
Si nous mangeons des céréales c’est à cause du fisc !

Les premiers humains du néolithique, multiplièrent les lumbagos et les caries ; la farine meulée à la pierre usait les dents. Ces maladies existaient avant de façon ponctuelle, certains humains de la préhistoire mangeant trop de fruits à coques ou de miel avaient des caries, d’autres avaient de l’arthrose sur la jambe de réception après le tir de la lance.

Lorsque nous domestiquâmes les vaches, nos gènes, ceux des Occidentaux et de quelques Africains durent trouver la parade en quelques générations pour la digestion du lait cru.
Les Japonais ne l'ont pas mais ils ont le gène pour la digestion des algues.
Actuellement nous sommes dans le sacrifice de générations de gros, nos gènes mettent un peu de temps à muter pour digérer le lait UHT, le sucre, les graisses raffinées et les OGM.

Malgré l’augmentation des naissances, les premiers sédentaires ne furent pas beaucoup plus nombreux. Ils ont été souvent décimés par des maladies inconnues, rougeole des bovins, grippe des poulets. Le paludisme nous accompagnerait depuis 30 000 ans.
Après 4000 ans de sacrifices et d’adaptation à la promiscuité la population augmente et s’étend vers l’Europe.
Les dernières études de l’ADN des mitochondries tendraient à prouver que ces « Anatoliens (Turquie actuelle) » cultivateurs ont émigré vers l’Europe. Vers -7000, en Ecosse, la civilisation des Orcades a cultivé la terre et dressé des mégalithes pour prier les Dieux. Plus tard, en Angleterre vers -4000, ils construiront un temple dédié aux morts et aux vivants « Stonehenge ».
La coutume s’est maintenue, de nombreuses tribus délimitaient leurs territoires de chasse avec des pierres. A « Stonehenge » on estime qu’il fallait rassembler 500 hommes pour construire et gérer ce lieu de culte. Des tailleurs de pierres, des ouvriers dresseurs de mégalithes, et il en fallait le double pour les alimenter. Puis pour orienter ces Dieux de pierres vers la constellation d'Orion le chasseur, il fallait des spécialistes en astronomie.

De nos jours on peut observer qu’en 15000 ans, la sédentarisation s'est imposée presque partout sur la planète, de gré et souvent de force.
Les Roms ou les Inuits sont toujours forcés à se sédentariser.
Sur Terre, rares sont les peuples, comme les tribus aborigènes d’Australie, refusant fermement cette organisation sociale. C'est grâce à leur éloignement géographique qu'ils ne se soumirent pas à cette obligation internationale alors qu'ils avaient de grandes plaines fertiles… que les envahisseurs blancs cultiveront. Les Aborigènes d'Australie sont la plus ancienne civilisation du monde. Ils vivaient en symbiose avec la nature avant que les colonisateurs les exterminent. La notion d'égalité n'y est pas interrogée, elle est. Cela n'empêche pas une répartition des tâches ou des rituels adaptés à l'âge ou au sexe, comme la circoncision et la subincision.
Chez eux, les rêves sont la vie réelle. Tout est organisé pour que leurs descendants puissent aussi vivre leurs rêves. Ce respect du passé et du futur conditionne et organise les activités quotidiennes. La transmission est primordiale, ils chassent encore le poisson en se faisant aider par des dauphins ; à la fin de la chasse, ils partagent avec eux. Ils entretiennent toujours des forêts comestibles, ils se sentent éléments du grand tout. Ils remercient leurs ancêtres de - 40 000 ans, pour les cartes indiquant les points d'eau et les préservent pour leurs descendants. (Lire Barbara Glowczewski-Barker). Il reste quelques tribus, elles viennent de recevoir des excuses de l'état Australien pour les crimes passés. Jusqu’en 1967, ils étaient considérés comme des animaux et relevaient du code de la « faune et la flore ».

L’augmentation de la population favorisa la concentration des pouvoirs. La sédentarisation accentua cette orientation via des chefs puissants (-6000 à Aslantepe), des territoires fertiles réservés. La première véritable guerre aurait eu lieu vers -12 000, à Djebel Sahaba, en haute Égypte. Les archéologues pensent que c'était un conflit entre sédentaires/cultivateurs et nomades/chasseurs. A la préhistoire, la guerre aurait représenté trop de risques d'extinction, de plus les territoires étaient suffisamment vastes pour une centaine de millions d'humains. Puis c’est l’effet boule de neige que nous subissons toujours. Pour protéger ses terres, sa propriété, l'oligarque eut besoin de soldats. Pour eux on inventa l'argent. Il fallait que ces « oisifs » non autonomes achètent leur pitance.
Pour les premières pièces de monnaies en métal, vers -700, une origine est parfois proposée : elles seraient liées aux médailles religieuses.
Puis le soldat comprit qu'avec ses armes, il pouvait soumettre d'autres hommes, et surtout des femmes, pour le servir et faire de nouveaux soldats et de nouveaux paysans. La nourriture de qualité fut réservée aux guerriers, les autres connurent une baisse dramatique de leur espérance de vie, 30 à 40 ans de moins qu'un humain du paléolithique. Ce n’est qu’au XXI siècle qu’on se rapproche du mètre quatre-vingt des hommes d’avant la sédentarisation, sauf pour quelques princes ou rois.

Au regard du temps passé, 12000 ans, peut-on dire que la sédentarisation a été un progrès pour l’humanité ?
Cette organisation pyramidale productiviste et guerrière sera d'une efficacité redoutable. Elle poussera à la spécialisation des métiers alors que la nature humaine est multiple. Elle entraîna le développement de nouvelles techniques avec leurs gestes répétitifs et les maladies de type Trouble Musculo Squelettique (TMS).
Elle a enfanté la lutte des classes et la misogynie. Elle a détruit la faune et la flore. Au XIXe siècle, on avait moitié moins d'arbres qu'il y a 14000 ans.  Entre le début et la fin du XXe siècle, nous avons 100 fois moins de variétés de pommes.

« Le pommier » doit beaucoup à un animal. Ce fruit fossile provient depuis des millions d'années des forêts du Kazakhstan. Là-bas, les arbres peuvent mesurer 30 mètres pour un diamètre de 2 mètres. Des événements climatiques ou géologiques ont imposé aux ours de remplacer le poisson par des pommes. L'ours est gourmand, il ne mange que les meilleurs fruits, les plus sucrés. C'est ainsi, pour notre bonheur, que la sélection « naturelle » agit. C'est ainsi que pour notre malheur ces forêts disparaissent à cause de nos « progrès » technologiques.
« Et le chêne ? » Les forêts de chênes du néolithique vers - 6800, doivent beaucoup à un petit oiseau « le geai des chênes ». Il fait comme l’écureuil qui enterre des glands pour sa future consommation et les oublie. Grâce à une stabilité du climat, l’animal a permis aux arbres de se déplacer sur des milliers de kilomètres.

            Au final, on s’aperçoit que notre civilisation occidentale partage les mêmes valeurs guerrières et productivistes que celle des premiers sédentaires. Hélas, nos technosciences nous rendent, beaucoup plus efficaces. Nous croyons en nos inventeurs, en nos spécialistes généticiens actuels comme les premiers sédentaires croyaient en leurs prêtres.
A tort car ils ne sont pas des paysans et le temps leur manque pour être aussi efficaces que les milliers d’années écoulés depuis les premiers cultivateurs/généticiens. En plus, ils n'ont pas de bon sens pragmatique, ils travaillent dans des conditions artificielles. Il n'y a pas plus bête qu'un cerveau non nourri par les sens. Un pur cerveau manque de réalité. Ces vulgaires bidouilleurs, ces ingénu-eurs, se vantent d’inventer demain avec leurs hybrides, leurs clones, leurs OGM et croient être au niveau d’une biodiversité en action depuis 5 milliards d’années.
Les progrès actuels réparent les dégâts des progrès passés, ça devrait les inciter à la prudence. On croit que l’intelligence, c’est la science technologique et non pas la science humaine. Qu'un humain soit capable de protéger un scarabée grâce à des méthodes agricoles naturelles n'est pas considéré comme de l’intelligence contrairement à l'invention d'un OGM dans un labo. Nous avons toujours des valeurs inversées. Il faut reconnaître que pour gagner une guerre, une kalachnikov est plus efficace qu'un livre et pour les armes, la France est extrêmement douée.
Sommes-nous sortis de l'époque des dresseurs de pyramides ou de menhirs ? Non, on est encore épaté devant le château de Versailles ou le quartier de la Défense. Tout plus haut, toujours trop, l'éternel oligarchique.

DES IDÉES.
Le métissage des civilisations est un fondamental historique. Le temps s’écoule implacablement, il égalise, adapte, mélange les idées, les us et coutumes, les couleurs de peau. Le temps présent est fugace et trompeur, les Autres viendront quoiqu’il en soit, c’est humain depuis la nuit des temps. Durant notre vie nous ne pouvons que rendre ces échanges les plus harmonieux possibles.
D’autres civilisations peuvent nous servir d’exemple, même si les fouilles archéologiques retrouvent plus facilement des traces de nations guerrières ostentatoires et productivistes, on sait que des civilisations vivant en harmonie avec la nature ont existé. La civilisation aborigène ou celle des inventeurs de la « Terra Preta » en Amazonie ou encore celle des « Puquios » hydro-éoliens de Nazca sont, hélas, encore trop inconnues.
Un zèbre, un Ginkgo Biloba, une termitière, un chêne, une libellule me paraissent mille fois plus remarquables qu’un gadget technologique.
Et le rendement du panneau solaire « feuille » proche de 99%, ça ne donne des complexes à personne ? La nature a déjà tout inventée.
La majorité des humains continuent dans la démesure destructrice plutôt que dans la contemplation et dans la coopération avec nos partenaires ancestraux, les animaux et les plantes.


« Une race de dégénérés, comme les Indiens du nord, ils disparaissent rapidement en laissant la place à une race nouvelle et supérieure ». Encyclopédie, 1900

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