VI - L'origine de la « civilisation »
occidentale.
Je commencerai ce
chapitre par une définition idéale inspirée par Rousseau. Une « civilisation »
est de nom, si et seulement si, le contrat social se substitue à ce que la
nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les humains, et que pouvant
être inégaux en force et en intelligence, ils deviennent tous égaux par
convention et de droit. Hélas, dans la réalité les lois étant faites par et
pour l'oligarchie, l'état social n'est avantageux qu'aux « hommes de
biens », c'est à dire aux possédants.
L'hybris grec, la
démesure, est toujours à dénoncer, un état social sera dans la juste mesure, il
partagera équitablement entre chacun de ses citoyens.
Nous sommes à la fin de
la préhistoire, au paléolithique, après une succession de réchauffements/refroidissement
climatique, entre -18000 et - 11500, un climat stable plus chaud et plus humide,
appelé « atlantique », s’installe durablement au moyen orient. En
Anatolie, entre le Tigre et l'Euphrate, la stabilité et la profusion des
plantes et des animaux a permis aux humains de devenir plus nombreux.
D'échanger, de se croiser et aussi de prier ensemble les Dieux.
Les eaux ont monté très
rapidement, la mer Méditerranée a débordé dans la mer Noire et inondé les
champs des premiers cultivateurs.
Une confirmation du
mythe du Déluge ? Pas sûr, selon une autre hypothèse il aurait
100 000 ans, comme le conte du meurtre fratricide entre Caïn et d’Abel. Une
preuve que l’oral se transmet mieux que l’écrit… Ça sera utile pour le souvenir
de nos poubelles nucléaires.
Autour des temples comme
Göbekli tepe, entre la Turquie et la Syrie, la sédentarisation s'est faite
lentement. On pense qu’au début seuls les vieux, les malades, les femmes
enceintes restaient près des silos ou des lieux de cultes. Puis, les tribus
grossirent, les chefs puissants apparurent et ce fut le début d'une autre
histoire.
Le changement de mentalité, d'habitude, s’opéra sur
quelques générations : Des humains se mirent à commander des humains puis
l’humanité se considéra au-dessus des animaux, au-dessus de la nature.
Dans le croissant fertile et en Egypte, les chefs
« semi-nomades » devinrent de puissants oligarques, régnant sur un
peuple nombreux et soumis. La peur de la mort et de la perte des richesses
accumulées les poussa à se faire construire des tombeaux qualifiés, plus tard,
de pharaoniques. Cette ostentation mortuaire des élites issue de la pulsion de
mort s’est répandue sur toute la planète et a perduré à travers les siècles.
Puis tout s’enchaîna jusqu'à nos jours. La structure
sociale stable et hiérarchisée d’une civilisation sédentaire la rendit imbattable.
Les chasseurs-cueilleurs ne pouvaient que perdre leurs territoires en face
d’une telle organisation. Des techniques déjà connues comme la céramique furent
mises au service de ce nouvel art de vivre, plus sédentaire. Au néolithique, la
société s'organisa au point de créer les premières villes de 8000 habitants, comme
Çatal Höyük, en Turquie actuelle. C'était la plus grande ville de l'an -8000,
elle dura 2000 ans, tout de même. La
domestication intensive des plantes et des animaux multiplia les catastrophes. Çatal
Höyük fut abandonnée à cause d’un environnement abîmé par l’humain.
La civilisation
sumérienne sédentaire vivant dans le croissant fertile a aussi disparu à cause
d'un désastre écologique : c'est aujourd'hui un désert d'Irak. L’incurie
des élites, une mauvaise gestion des contraintes écologiques, souvent liée à un
changement climatique, aurait entraîné l’extinction de nombreuses
civilisations, Mayas, Égyptiennes, Rapanuis.
En plus de l’atteinte à l’environnement, les dégâts de la
sédentarisation s’imposèrent aux corps.
Il y a 9000 ans nos
ancêtres de « Aşıklı Höyük » en Turquie » n'étaient pas prêts à digérer les céréales et les
premiers paysans ainsi nourris devinrent rachitiques par décalcification. En
5000 ans et quelques générations victimes nos gènes trouvèrent la parade pour
assimiler le pain. L'utilisation de la fermentation avec le levain a permis à
l'acide phytique de ne plus être décalcifiant et même de bénéficier à la santé.
James C. Scott estime dans son ouvrage « Homo domesticus » que la
culture de céréales était imposée par l’état, en effet comme le blé arrive à
maturité au même moment, contrairement aux légumineuses qui ont besoin de
ramassages successifs, il était plus simple d’en mesurer la production et de les
taxer en conséquence.
Si nous mangeons des
céréales c’est à cause du fisc !
Les premiers humains du
néolithique, multiplièrent les lumbagos et les caries ; la farine meulée à
la pierre usait les dents. Ces maladies existaient avant de façon ponctuelle,
certains humains de la préhistoire mangeant trop de fruits à coques ou de miel
avaient des caries, d’autres avaient de l’arthrose sur la jambe de réception
après le tir de la lance.
Lorsque nous
domestiquâmes les vaches, nos gènes, ceux des Occidentaux et de quelques
Africains durent trouver la parade en quelques générations pour la digestion du
lait cru.
Les Japonais ne l'ont pas mais ils ont le gène
pour la digestion des algues.
Actuellement nous sommes dans le sacrifice de
générations de gros, nos gènes mettent un peu de temps à muter pour digérer le
lait UHT, le sucre, les graisses raffinées et les OGM.
Malgré l’augmentation des naissances, les premiers
sédentaires ne furent pas beaucoup plus nombreux. Ils ont été souvent décimés par des maladies inconnues, rougeole des
bovins, grippe des poulets. Le paludisme nous accompagnerait depuis 30 000
ans.
Après 4000 ans de sacrifices et d’adaptation à la
promiscuité la population augmente et s’étend vers l’Europe.
Les dernières études de l’ADN des mitochondries tendraient
à prouver que ces « Anatoliens (Turquie actuelle) » cultivateurs ont
émigré vers l’Europe. Vers -7000, en Ecosse, la civilisation des Orcades a
cultivé la terre et dressé des mégalithes pour prier les Dieux. Plus tard, en Angleterre
vers -4000, ils construiront un temple dédié aux morts et aux vivants « Stonehenge ».
La coutume s’est maintenue, de nombreuses tribus délimitaient
leurs territoires de chasse avec des pierres. A « Stonehenge » on estime qu’il fallait rassembler 500 hommes
pour construire et gérer ce lieu de culte. Des tailleurs de pierres, des
ouvriers dresseurs de mégalithes, et il en fallait le double pour les
alimenter. Puis pour orienter ces Dieux de pierres vers la constellation
d'Orion le chasseur, il fallait des spécialistes en astronomie.
De nos jours on peut observer qu’en 15000 ans, la
sédentarisation s'est imposée presque partout sur la planète, de gré et souvent
de force.
Les Roms ou les Inuits sont toujours forcés à se
sédentariser.
Sur Terre, rares sont les peuples, comme les tribus
aborigènes d’Australie, refusant fermement cette organisation sociale. C'est
grâce à leur éloignement géographique qu'ils ne se soumirent pas à cette
obligation internationale alors qu'ils avaient de grandes plaines fertiles… que
les envahisseurs blancs cultiveront. Les Aborigènes d'Australie sont la plus
ancienne civilisation du monde. Ils vivaient en symbiose avec la nature avant
que les colonisateurs les exterminent. La notion d'égalité n'y est pas
interrogée, elle est. Cela n'empêche pas une répartition des tâches ou des
rituels adaptés à l'âge ou au sexe, comme la circoncision et la subincision.
Chez eux, les rêves sont la vie réelle. Tout est organisé
pour que leurs descendants puissent aussi vivre leurs rêves. Ce respect du
passé et du futur conditionne et organise les activités quotidiennes. La
transmission est primordiale, ils chassent encore le poisson en se faisant
aider par des dauphins ; à la fin de la chasse, ils partagent avec eux.
Ils entretiennent toujours des forêts comestibles, ils se sentent éléments du
grand tout. Ils remercient leurs ancêtres de - 40 000 ans, pour les cartes
indiquant les points d'eau et les préservent pour leurs descendants. (Lire Barbara Glowczewski-Barker). Il
reste quelques tribus, elles viennent de recevoir des excuses de l'état
Australien pour les crimes passés.
Jusqu’en 1967, ils étaient
considérés comme des animaux et relevaient du code de la « faune et la
flore ».
L’augmentation de la population favorisa la concentration
des pouvoirs. La sédentarisation accentua cette orientation via des chefs
puissants (-6000 à Aslantepe), des territoires fertiles réservés. La première
véritable guerre aurait eu lieu vers -12 000, à Djebel Sahaba, en haute Égypte.
Les archéologues pensent que c'était un conflit entre sédentaires/cultivateurs
et nomades/chasseurs. A la préhistoire, la guerre aurait représenté trop de
risques d'extinction, de plus les territoires étaient suffisamment vastes pour
une centaine de millions d'humains. Puis c’est l’effet boule de neige que nous
subissons toujours. Pour protéger ses terres, sa propriété, l'oligarque eut
besoin de soldats. Pour eux on inventa l'argent. Il fallait que ces
« oisifs » non autonomes achètent leur pitance.
Pour
les premières pièces de monnaies en métal, vers -700, une origine est parfois
proposée : elles seraient liées aux médailles religieuses.
Puis le soldat comprit qu'avec ses armes, il pouvait
soumettre d'autres hommes, et surtout des femmes, pour le servir et faire de
nouveaux soldats et de nouveaux paysans. La nourriture de qualité fut réservée
aux guerriers, les autres connurent une baisse dramatique de leur espérance de
vie, 30 à 40 ans de moins qu'un humain du paléolithique. Ce n’est qu’au XXI
siècle qu’on se rapproche du mètre quatre-vingt des hommes d’avant la
sédentarisation, sauf pour quelques princes ou rois.
Au regard du temps passé, 12000 ans, peut-on dire que la
sédentarisation a été un progrès pour l’humanité ?
Cette organisation
pyramidale productiviste et guerrière sera d'une efficacité redoutable. Elle poussera
à la spécialisation des métiers alors que la nature humaine est
multiple. Elle entraîna le développement de nouvelles techniques avec leurs
gestes répétitifs et les maladies de type Trouble Musculo Squelettique (TMS).
Elle a enfanté la lutte des classes et la
misogynie. Elle a détruit la faune et la flore. Au XIXe siècle, on avait
moitié moins d'arbres qu'il y a 14000
ans. Entre le début et la fin du XXe
siècle, nous avons 100 fois moins de variétés de pommes.
« Le pommier »
doit beaucoup à un animal. Ce fruit fossile provient depuis des millions
d'années des forêts du Kazakhstan. Là-bas, les arbres peuvent mesurer 30 mètres
pour un diamètre de 2 mètres. Des événements climatiques ou géologiques ont
imposé aux ours de remplacer le poisson par des pommes. L'ours est gourmand, il
ne mange que les meilleurs fruits, les plus sucrés. C'est ainsi, pour notre
bonheur, que la sélection « naturelle » agit. C'est ainsi que pour
notre malheur ces forêts disparaissent à cause de nos « progrès »
technologiques.
« Et le
chêne ? » Les forêts de chênes du néolithique vers - 6800, doivent
beaucoup à un petit oiseau « le geai des chênes ». Il fait comme
l’écureuil qui enterre des glands pour sa future consommation et les oublie. Grâce
à une stabilité du climat, l’animal a permis aux arbres de se déplacer sur des
milliers de kilomètres.
Au final, on s’aperçoit que notre
civilisation occidentale partage les mêmes valeurs guerrières et productivistes
que celle des premiers sédentaires. Hélas, nos technosciences nous rendent,
beaucoup plus efficaces. Nous croyons en nos inventeurs, en nos spécialistes
généticiens actuels comme les premiers sédentaires croyaient en leurs prêtres.
A tort car ils ne sont pas des paysans et le temps
leur manque pour être aussi efficaces que les milliers d’années écoulés depuis
les premiers cultivateurs/généticiens. En plus, ils n'ont pas de bon sens
pragmatique, ils travaillent dans des conditions artificielles. Il n'y a pas
plus bête qu'un cerveau non nourri par les sens. Un pur cerveau manque de
réalité. Ces vulgaires bidouilleurs, ces ingénu-eurs, se vantent d’inventer
demain avec leurs hybrides, leurs clones, leurs OGM et croient être au niveau
d’une biodiversité en action depuis 5 milliards d’années.
Les progrès actuels réparent
les dégâts des progrès passés, ça devrait les inciter à la prudence. On croit
que l’intelligence, c’est la science technologique et non pas la science
humaine. Qu'un humain soit capable de protéger un scarabée grâce à des méthodes
agricoles naturelles n'est pas considéré comme de l’intelligence contrairement
à l'invention d'un OGM dans un labo. Nous avons toujours des valeurs inversées.
Il faut reconnaître que pour gagner une guerre, une kalachnikov est plus
efficace qu'un livre et pour les armes, la France est extrêmement douée.
Sommes-nous sortis de
l'époque des dresseurs de pyramides ou de menhirs ? Non, on est encore
épaté devant le château de Versailles ou le quartier de la Défense. Tout plus
haut, toujours trop, l'éternel oligarchique.
DES IDÉES.
Le métissage des
civilisations est un fondamental historique. Le temps s’écoule implacablement,
il égalise, adapte, mélange les idées, les us et coutumes, les couleurs de
peau. Le temps présent est fugace et trompeur, les Autres viendront quoiqu’il
en soit, c’est humain depuis la nuit des temps. Durant notre vie nous ne pouvons
que rendre ces échanges les plus harmonieux possibles.
D’autres civilisations
peuvent nous servir d’exemple, même si les fouilles archéologiques retrouvent
plus facilement des traces de nations guerrières ostentatoires et
productivistes, on sait que des civilisations vivant en harmonie avec la nature
ont existé. La civilisation aborigène ou celle des inventeurs de la
« Terra Preta » en Amazonie ou encore celle des « Puquios »
hydro-éoliens de Nazca sont, hélas, encore trop inconnues.
Un zèbre, un Ginkgo
Biloba, une termitière, un chêne, une libellule me paraissent mille fois plus
remarquables qu’un gadget technologique.
Et le rendement du panneau solaire « feuille »
proche de 99%, ça ne donne des complexes à personne ? La nature a déjà
tout inventée.
La majorité des humains continuent dans la démesure destructrice plutôt que
dans la contemplation et dans la coopération avec nos partenaires ancestraux,
les animaux et les plantes.
« Une race de dégénérés, comme
les Indiens du nord, ils disparaissent rapidement en laissant la place à une
race nouvelle et supérieure ». Encyclopédie, 1900
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